Alors que la campagne de vaccination va bon train au Canada, l’heure pourrait bientôt être aux bilans pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. On peut espérer qu’ils y incluront des réflexions sur le respect des obligations linguistiques en situation d’urgence et sur les réalités particulières des communautés francophones en situation minoritaire.
Nous nous souviendrons que, lors des premiers mois de la pandémie, Santé Canada avait éliminé temporairement l’obligation d’étiquetage bilingue sur les contenants de produits désinfectants, antiseptiques et nettoyants.
Une réflexion s’impose donc à savoir comment renforcer les protocoles formels quant aux communications en temps de crise pour que celles-ci respectent vraiment les dispositions prévues dans la Loi sur les langues officielles. Plus encore, il faut réfléchir à des façons de mieux sensibiliser les administrateurs généraux et les chefs des communications des institutions fédérales à leurs obligations linguistiques.
Le Commissariat aux langues officielles s’est penché sur la question. Les constats dressés dans son rapport d’octobre 2020 sur les incidences des situations d’urgence sur les langues officielles ont un air de déjà-vu.
À la suite de la fusillade d’Ottawa en 2014, la première alerte de sécurité, qui contenait un ordre de confinement, n’a été envoyée qu’en anglais. La version française a suivi plusieurs heures plus tard. Le passage de l’ouragan Dorian dans les provinces atlantiques en 2019 avait aussi été marqué par des communications unilingues de la part d’institutions fédérales.
Ces exemples illustrent que pour plusieurs, au sein de l’appareil fédéral, le français est considéré comme une langue dont il est possible de faire fi en situation d’urgence. Or, c’est dans telles situations qu’il est plus que jamais nécessaire d’être en mesure de communiquer de manière claire et efficace dans les deux langues officielles. Il ne s’agit pas simplement d’une question de droits linguistiques, mais bien de sécurité et de santé publique.
Il serait pourtant possible de prévoir au préalable des mécanismes de traduction accélérés ou de veiller à avoir les ressources en place pour rédiger en simultané un message dans chaque langue, envoyés un à la suite de l’autre sans délai supplémentaire. Si des améliorations ne sont pas apportées, il est fort probable que lors d’une prochaine situation de crise, le Commissariat aux langues officielles devra encore une fois faire enquête et publier des recommandations similaires à celles déjà émises.
Plusieurs provinces ont aussi fait piètre figure en matière de communication en français dans leur gestion de la pandémie. Par ailleurs, dans les prochaines années, certaines provinces pourraient faire le choix d’adopter des politiques de restrictions budgétaires pour rééquilibrer les finances publiques. Plusieurs exemples récents, dont le « jeudi noir » en Ontario et les coupes draconiennes dans le secteur postsecondaire en Alberta, qui ont eu un impact particulier sur le Campus Saint-Jean, rappellent comment les groupes minoritaires font parfois les frais de compressions budgétaires. Les francophones doivent demeurer aux aguets.