« En
français s’il vous plaît. » « Le français t’ouvre des portes.
» « Le français s’apprend, l’anglais s’attrape. » Que veulent
dire ces courtes phrases dénuées de sens pour l’élève du
secondaire? Outre l’irritation causée par la répétition
de ces énoncés à signification obscure, l’adolescent finit
par se tanner et associe avec le français, une connotation
négative. Pourtant, les intentions sont bonnes, alors pourquoi
une réaction si négative?
Au sein
des écoles francophones, on voit des phénomènes culturels
qui sont inexistants chez nos voisins anglos. Parmi les
nôtres, une division se crée entre ceux qui tiennent à leur
français comme une bouée de sauvetage et les autres qui
voient notre langue comme une ancre qui essaie de nous noyer.
Certains élèves, souvent le même groupe, décident de s’impliquer
à fond dans la communauté scolaire et ainsi baignent dans
la culture francophone. Mais tout le reste, pour une raison
évidente, ne parle qu’en français lorsqu’une figure d’autorité
est présente et revient à son anglais chéri dès que l’adulte
est parti.
Pour clarifier,
je ne blâme pas les élèves, ou même les enseignants. Je
blâme la collectivité silencieuse et passive qui choisit
de ne pas faire l’effort. J’aimerais dénoncer notre paresse
et notre maladresse quand ça vient à expliquer l’importance
du français.
Pourquoi
attaquer le franco souffrant d’insécurité linguistique qui
a de la difficulté à s’exprimer dans sa langue complexe
(difficile à maîtriser, peu importe ce que son enseignant
de français essaie de lui faire croire) et qui est attaqué
pour chacun de ses anglicismes, quand tout ce qu’il veut,
c’est de dire sa pensée? Nous devrions cesser de corriger
chaque petite erreur et mettre plus d’énergie à promouvoir
le français qu’à empêcher l’anglais. Trop souvent, on voit
la langue anglaise comme une ennemie. Mais pourtant, elle
fait partie de notre culture.
Lorsqu’un
élève se met à franciser son anglais ou à parler le « franglais
», nous devons comprendre que c’est non seulement l’avenir
de notre langue parlée, mais aussi notre identité en tant
que Franco-Ontariens. Si l’Académie française accepte maintenant
des mots tels que boycott, break, crash, flirt, selfie et
lobbying, tous d'origine anglaise, alors pourquoi réprimander
le francophone qui s’exprime avec les mots qui lui semblent
le plus clair?
La langue
est vivante et évolue constamment, tout comme les êtres
humains à travers lesquels elle perdure. Alors cessons d’attaquer
nos semblables qui choisissent de vivre de l’ensemble de
leur culture. Notre identité culturelle ne s'arrête pas
qu’à la langue française et nous devrions être les premiers
à consommer les arts et la scène culturelle bilingue. Des
oeuvres comme le film Noël en Boîte de Jocelyn Forgues sont
la preuve que le français et l’anglais peuvent cohabiter
et prospérer.
Le français
lui-même est influencé par d’autres langues. Nous devrions
donc célébrer la diversité culturelle et non essayer de
la diviser. Nous sommes à la fois francophone et anglophone,
et aucune langue ne devrait être plus importante que l’autre.
Si nous souhaitons la survie de la langue française, nous
devons la laisser grandir et s’épanouir, tout en se permettant
de consommer dans toutes les langues. Sans l’anglais, le
français ne nous ouvre aucune porte. Dans le fond, c’est
le bilinguisme qui nous avantage.
(Cet article a pu être publié grâce au généreux appui de nos partenaires commerciaux locaux.)