À la fin février, l’ancienne mairesse de Gatineau, France Bélisle, a remis sa démission, dénonçant notamment avoir été la cible d’attaques personnelles de la part de citoyens.
La sortie de Mme Bélisle n’a pas manqué de faire réagir à travers la région. Des conseillers municipaux du quartier Orléans se sont notamment reconnus dans ses propos.
« Il est certain que nous subissons beaucoup d’abus de la part de certains membres du public », note le conseiller municipal du quartier Orléans-Est-Cumberland, Matthew Luloff, qui a lui-même supprimé son compte Twitter il y a quelques années en raison « d’abus ». « Ça peut parfois être difficile », témoigne-t-il.
M. Luloff dit avoir néanmoins appris à vivre avec ces commentaires, bons ou mauvais, du public.
« Je pense que ça devient plus facile [avec le temps], pour le meilleur et pour le pire », explique-t-il. « On apprend à comprendre que les abus proviennent souvent d’un sentiment de frustration qui n’est pas toujours directement lié à notre travail. »
Ce conseiller municipal assure « faire de son mieux » pour ne pas prendre ces commentaires personnellement.
« Si vous vous mettez en avant, vous serez vulnérable aux attaques personnelles », rappelle celui qui représente le quartier Orléans-Est-Cumberland. « Plutôt que de me poser en victime, je préfère l’accepter comme faisant partie de mon rôle et m’efforcer d’agir avec intégrité. »
Selon M. Luloff, l’aspect le plus difficile du métier, c’est justement la réalisation qu’il est impossible de « plaire à tout le monde, tout le temps ».
« Chaque décision que vous prenez sera aimée et méprisée dans une mesure presque égale », donne-t-il pour exemple. « Parfois, vous devez simplement laisser tomber les choses que vous ne pouvez pas contrôler et accepter que ce que les autres pensent ou disent de vous ne vous regarde pas. »
Matthew Luloff regrette de constater que « les commentaires négatifs » reçus au travail proviennent non seulement du public, mais sont parfois émis par des collègues, chose que France Bélisle a également déplorée.
« J’ai eu des collègues qui m’ont injurié de l’autre côté de la table, simplement parce que j’étais honnête. [...] Par le passé, je me suis senti obligé de prendre des décisions que je ne soutenais pas », confie M. Luloff.
« Je pense qu’avec le temps, on devient plus enclin à dire ce que l’on pense, indépendamment de la menace que cela représente », poursuit l’élu. « Je crois plus que jamais qu’il vaut mieux être honnête et ouvert que de compromettre ses valeurs. »
La conseillère du quartier Orléans-Ouest-Innes, Laura Dudas, regrette pour sa part d’avoir accueilli la démission de l’ancienne mairesse de Gatineau sans surprise.
Les causes citées par Mme Bélisle, dont « des abus en ligne », étaient « décourageantes et attristantes », soutient Mme Dudas, « mais pas surprenantes ».
« Bien que je sois convaincue que les élus, à tous les niveaux de gouvernement, reçoivent des messages haineux sur les médias sociaux, [...] il est évident que les femmes politiques reçoivent beaucoup plus d’insultes en ligne », avance la conseillère. « Sans compter que ces abus sont systématiquement plus sexuels ou violents. »
Laura Dudas qualifie d’ailleurs les médias sociaux d’« arme à double tranchant ».
« S’ils permettent le partage instantané d’informations et un engagement direct, ils offrent également l’anonymat et une couverture à ceux qui les utilisent à des fins néfastes, pour diffuser des informations erronées ou de la haine, et attaquer vicieusement les fonctionnaires d’une manière qui relève du harcèlement et qui pourrait même être considérée comme criminelle », poursuit-elle.
La Ville d’Ottawa dispose d’un programme d’aide aux employés, rapporte Mme Dudas. Ce programme « offre un soutien à tous les employés de la Ville d’Ottawa, et pas seulement aux élus », informe-t-elle.
« Ce programme est très utile, mais il ne s’attaque pas à la racine du problème », nuance la conseillère. « Les abus en ligne sont de plus en plus normalisés et, malheureu-sement, comme les femmes continuent d’être ciblées de manière disproportionnée par les plus vils et les plus sexuellement violents de la langue, nous continuerons probablement à voir des femmes comme la mairesse Bélisle partir ou ne pas s’impliquer dès le départ. »