Il y a quelques jours, je revenais de Montréal à Ottawa par la route 17. Je ne conduisais pas la voiture et je pouvais donc regarder autour de moi et admirer la belle campagne où se lovent les villages de l’Est ontarien.
Nous approchions d’Ottawa, nous avions dépassé le village de Cumberland, et la rivière des Outaouais s’étalait à notre droite, mystérieuse et frissonnante sous la lumière du soleil couchant.
Soudain, je vis à l’horizon une barre de lumière rose et mauve, dont les reflets sur les vaguelettes de la rivière semblaient danser. Le spectacle était magnifique et mes compagnons de route s’exclamèrent : « Tu vois comme c’est beau! C’est la plage de l’île Petrie ».
L’île Petrie! Sa plage! Soudain, les souvenirs affluèrent et l’émotion que j’éprouvais devant ce mariage du soleil, de la rivière et de l’île me rappelèrent mes premiers moments, mes premiers pas dans l’île.
Je l’avais découverte il y une vingtaine d’années environ. Ma femme et moi nous y allâmes un matin de printemps. Et ce fut l’éblouissement : nous découvrîmes une petite plage presque vide, entourée d’arbres. À cette époque, il n’y avait pas encore grand monde qui connaissait ce joyau caché à Orléans, dans l’est d’Ottawa.
Quelques familles se prélassaient au soleil. Soudain, je vis deux jeunes enfants s’avancer tranquillement dans la rivière sous le regard attentif de leurs parents.
J’ai alors dit à Adèle : « Il faudra amener ici nos petits-enfants. » Et le samedi suivant, deux beaux petits-enfants, accrochés aux bras de leur grand-père, se précipitèrent dans la rivière.
J’ai commencé alors à me renseigner sur cette île. J’appris qu’elle appartenait il y a longtemps à un certain Archibald Petrie, qui lui a donné son nom. Puis il la vendit à la famille Grandmaître, qui exploita les sablières de l’île qui étaient fort abondantes et fournissaient un beau sable jaune – ce sable que j’avais vu miroiter sous mes yeux en revenant de Montréal.
La famille Grandmaître finit par vendre l’île à la municipalité d’Ottawa-Carleton, qui décida d'en faire une Aire de conservation.
Nous retournâmes souvent à l’île. Je m’intéressais à sa faune et à sa flore. Un jour que je me promenais dans un sentier qui longe l’eau, je vis un soudain éclat de lumière dans ce bras de la rivière. Je l’observai attentivement et je découvris une tortue. J’ai vite appris que l’île est un site de reproduction pour les tortues. La Ville a donc créé un « Sentier des tortues » où la promenade nous éclabousse de lumière reflétée sur l’eau et sur les carapaces des tortues.
J’y amenai souvent mes petits-enfants et nous étions comme des explorateurs : nous regardions dans toutes les directions pour voir des tortues quand un cri s’élevait : « Hourra! je l’ai vue! elle est ici, regardez! » Et nous regardions la carapace cabossée et luisante d’une tortue.
Vous l’avouerais-je? À de nombreuses reprises, je détectais un mouvement dans l’eau, je chuchotais à mes petits-enfants : « Regardez donc ici! » Et le « hourra! » fusait tout de suite, et le petit garçon ou la petite fille qui avait vu la tortue avant les autres se pavanait tranquillement devant les adultes.
Le sentier est agréable et intéressant. Il m’a permis de découvrir également la grande diversité de la faune. Les tortues n’en sont pas le seul exemple. On peut découvrir au loin des hérons qui nous regardent avec indifférence.
La visite de l’île Petrie n’est pas seulement agréable, elle est également instructive. On y a créé un Centre d’interprétation qui nous enseigne les noms des plantes et des fleurs qui nous entourent. Et sur les sentiers qui quadrillent l’île, des panneaux descriptifs nous dévoilent un bijou de la nature caché sous une plante plus grande.
Maintenant, les petits-enfants sont devenus de beaux jeunes adultes et je ne peux les traîner avec moi à l’île Petrie. Mais j’y vais souvent avec Adèle et nous nous promenons longuement dans ses multiples sentiers, notamment dans « Le sentier des tortues », et le calme de l’île, la beauté de sa nature, la splendeur de la rivière et l’embrasement du soleil sur l’eau nous pacifient.