En ce 11 novembre, les soldats du siècle dernier cèdent la place à des vétérans plus jeunes. Partis pour des conflits plus régionaux, mais tout aussi violents, ils en reviennent aussi meurtris que leurs aînés.
Le conseiller municipal d’Orléans, Matthew Luloff est l’un de ceux-là. Pendant huit mois, en 2008, il fut en Afghanistan. Le temps de voir ses frères et sœurs d’armes périr à côté de lui.
Il a la carrure d’un joueur de rugby. Ou alors, il pourrait être garde sur la ligne offensive du Rouge et Noir pour défendre son quart-arrière.
Plus jeune, il était sauveteur dans les piscines d’Ottawa. « Pour moi, c’est une question de service », dit-il.
C’est ce qui l’a amené à s’enrôler dans l’armée canadienne au risque d’y laisser sa peau.
Partir à 24 ans Bien sûr, il y a la formation. « Des experts viennent nous briefer sur la culture, la langue. » Les soldats sont également formés dans la reconnaissance du terrain, histoire de débusquer les bases afghanes.
La formation, c’est une chose. Patrouiller réellement, c’en est une autre.
Il a 24 ans quand il part en Afghanistan vers des districts instables comme Panjwai-Zharey dans la province de Kandahar.
Alors qu’un collègue tombe au combat, il a la « chance » d’être nommé navigateur, dans un territoire où les talibans ne sont pas là pour leur rendre la vie facile.
Il perdra de nombreux camarades. Une douzaine.
Revenir l’âme blessée « Tuer quelqu’un, c’est difficile pour un humain de comprendre. Pour moi, ça reste un choix difficile. »
Il revient à Ottawa, clopin-clopant au niveau des émotions.
Il essaie des thérapies qui échouent. Jusqu’au jour où, en 2017, sa psy lui fait découvrir la thérapie par exposition.
Il prendra 45 jours pour revivre des expériences, afin de comprendre le processus des réactions après un choc post-traumatique. On ne revient pas d’une scène de guerre comme si on avait cueilli des roses. Avoir des symptômes comme la phobie de certains bruits en raison des bombes, « c’est une situation normale à quelque chose d’anormal », tient-il à répéter pour ceux qui hésiteraient à se faire soigner.
Matthew Luloff admet que l’armée canadienne essaie de bien préparer son monde avant les combats. Cependant, il aimerait que plus d’efforts soient faits pour indiquer aux soldats retraités où trouver de l’aide pour se faire soigner. Et qu’on soit soldate ou soldat, pour le conseiller municipal, c’est la même souffrance : « On est tous dans le même bateau. »
Le retour des talibans au pouvoir… Tout ça pour ça ? « Je suis fier du travail fait par le Canada. Partir, c’est une question politique. Pour moi, le retrait est un peu trop tôt. » L’ancien fantassin porte l’Afghanistan dans son cœur. Il est d’avis qu’il y aura d’autres occasions d’aider les Afghans, en particulier les Afghanes, qui, pendant 20 ans, ont goûté à la liberté.
« Je rêve de marcher en paix là-bas… »
I have a dream…